Article de Steve F. publié sur feu ajdr.org (une mine d’articles, trucs et astuces JDR) qui devrait, je l’espère, avoir été aspirée et sauvegardée sur TOC.
Intéressant cet article, je suis d’accord avec plein de choses, presque tout !
Je peux facilement ranger les joueurs que je connais dans la catégorie « télécommandeur » ou « interprète », en effet. Bien sûr, ces catégories sont élastiques : on a aussi le joueur pour qui le rôle est juste un alibi, et qui joue son propre rôle : l’imposteur ! Et au contraire, celui qui interprète un peu trop son rôle et s’effondre en larmes quand son PJ se fait larguer : je trouve pas de nom pour celui-là !
Le problème dans ton approche par le prisme « rôle », c’est que tu tombes dans le piège des mots. Ça sous-entend que le JDR n’est que du jeu de rôle. Non, c’est beaucoup plus. C’est pour ça que tu parles de « outrepasser les contraintes du rôle » et « le facteur social ». En fait, je me demande, sur une partie de 4 heures, combien de MINUTES on passe effectivement à jouer/interpréter le rôle ? Très peu, si on réfléchit bien. On passe beaucoup plus de temps à réfléchir, négocier, planifier une attaque, convaincre, explorer, se battre, à plusieurs. Le rôle, c’est juste le costume que l’on porte et la voix que l’on prend pendant qu’on fait tous ces trucs. Bien sûr, on agit de manière crédible, avec des phrases ou des choix en accord avec le perso, ce qui apporte un plus au jeu, mais n’en constitue pas l’essence (pour moi en tout cas). En fait, au lieu de JDR on devrait dire : jeu d’aventures imaginaires.
Hello Faboo,
Déjà merci pour ton commentaire. Je l’ai capté un peu en retard à cause d’un pbl de notification.
Je vois bien la figure que tu désignes quand tu parles de joueur « imposteur » (choix très connoté moralement parlant), on l’a tous croisé au moins une fois j’imagine.
Je ne suis pourtant pas sûr que ce soit une catégorie à mettre sur le même plan que les « télécommandeurs » / « interprète » (T/I).
Parce qu’un « imposteur » peut tout aussi bien être un télécommandeur qu’un interprète. Même observation pour le joueur très attaché à son personnage / impliqué dans l’intrigue.
Avec ces catégories, tu touche un point un chouilla plus intime chez les joueurs : quel est leur rapport au jeu – la pratique dans son ensemble – (et pas seulement au jeu de leur rôle).
Sur l’approche par le prisme rôle, c’est parfaitement assumé et volontaire, je trouvais original et finalement peu courant de m’intéresser au « rôle » et au jeu « du rôle » par la porte de la sémantique.
Tes observations sont donc pertinentes, elles me semblaient simplement relever d’un autre article, voilà pourquoi celui-ci n’en parle pas (il n’à pas vocation à présenter tout ce qu’on fait en jouant à une partie de jdr, mais seulement à réfléchir sur une partie de ce qu’on fait dans le jdr : jouer un rôle / interpréter un rôle.)
Si tu souhaites réagir de manière plus détaillée sur le sujet, n’hésite pas.
D’accord je vois. Dans ce cas, n’y aurait-il pas des interprètes « intellectuels » et des interprètes « émotionnels » : Mon PJ est furieux parce que c’est logique d’être furieux dans sa situation ou : mon PJ est furieux parce que je me mets à sa place et je ressens de la fureur !
Ensuite, une autre interrogation : j’aime bien ton site pour son orientation « pratique ». Là, ça change une peu de registre (tu as le droit :)) mais je me demande : c’est par plaisir intellectuel, ou bien penses-tu que cette réflexion peut aboutir à quelque chose de concret en termes d’amélioration concrète de la pratique du jeu ?
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Problème de notif persistant, réponse tardive, désolé.
La répartition interprètes “intellectuels” et interprètes “émotionnels” me semble tout à fait valable, de même que la « spontanés » / « réfléchis » etc.
Mais au delà de cette typologie qui se borne à décrire les comportements (phénoménologique), ce qui m’intéresserai c’est de savoir ce qui est à l’origine de tel ou tel choix de réaction (intellectualisation/ »émotionalisation ») , et en quoi le jdr est un contexte particulier pour l’étude de ce phénomène.Mon intuition me dit que ça a un rapport :
– avec le sens profond qu’on donne au jdr :
* simple distraction qu’on aborde de manière consumériste et individualiste,
* rituel social d’aguerrissement du clan (on fait du jdr pour renforcer la cohésion de son clan de potes et éprouver sa résistance face à des épreuves, même fictives),
* catharsis sociale (on fait du jdr pour oublier, pour s’apaiser, se distraire d’une violence subie dans le passé, actuellement, et/ou prévisible)
* etc.
– avec notre rapport à autrui et à nous-même :
* rapport à la confiance en soi
* poids du jugement des autres
* rapport à l’intimité
* rapport au collectif
* etc.Oui, effectivement, mon site a historiquement une forte teinte pragmatique, c’est effectivement la ligne éditoriale que je m’efforce de tenir. Les réflexions plus théoriques/conceptuelles peuvent contraster à première vue, mais pour moi elles sont au contraire très cohérentes, presque une évolution organique prévisible.
La raison me semble évidente : toute étude sérieuse des faits, des mécaniques et de « ce qui fonctionne » incite l’Homme accompli à regarder plus haut, à chercher l’origine, les causes et donc à venir tôt où tard vers le concept. Le contraire me semble également valable : tout théoricien sérieux va inévitablement se plonger dans le concret pour éprouver ses intuitions.J’espère ne pas paraître rude, mais l’amélioration de la pratique du jeu ne me semble en définitive anecdotique dans ce type de démarche. C’était sûrement une motivation initiale, mais en chemin je me suis vite rendu compte qu’il y avait des enjeux bien plus intéressants : le conditionnement politique, économique, le rapport à autrui, le consumérisme, le narcissisme, le besoin de se divertir du tragique, le rapport au spirituel etc.
Je suis venu au concept dans l’idée d’améliorer le jdr, j’en ressors avec 1000 autres questions beaucoup plus importantes à (tenter de) résoudre dans la vie d’un Homme.
Lorsque j’explore le concept, je me rend compte que ce que je poursuit, ce n’est finalement pas du jeu de rôle mais c’est une attirance irrésistible pour le concept de Vérité. Je ne prétends pas la détenir, ni la connaître, mais j’ai parfois humblement l’impression de m’en rapprocher, et ça procure une sensation très agréable d’accomplissement. Et je pense que mes goûts et capacités me confèrent quelques compétences pour travailler sur la définition des choses. Je suis probablement moins à l’aise avec la manipulation des définitions que je produits (d’où mes tâtonnements dans cet article, qui sont plus des appels du pied pour être rejoint par d’autres) , mais n’est-ce pas une superbe occasion de passer le relais à d’autres pour entamer un collectif de travail ?
Seul hic, je constate que mes appels du pied éditoriaux et mes propositions de définitions ne semblent finalement pas intéresser les bonnes personnes, leur relai étant au final que très limité ou appauvri dans ses finalités. La définition du jdr (sur table) que j’ai proposé sur Wikipédia demeure à ce jour, mais n’est pas utilisée pour ce qu’elle est : un outil.
Elle est tout au plus utilisée comme un faire valoir ou une occasion pour certains de faire les intéressants en critiquant sans argumenter ou en proposant des pseudo-définitions qui n’ont pas le sérieux de l’exercice. Définir, c’est un exercice rigoureux, pas un défilé Chanel le nez dans la coke, si tu sais pas faire, tu laisses à d’autres.
Je remarque globalement sur internet que les gens relayés ont souvent des profils de diva, de flatteurs ou de sophistes ; on les applaudis finalement plus pour les cacahuètes qu’ils lancent à leur public ou le sentiment d’avoir l’air intelligent/underground/avant-gardistes qu’ils arrivent à donner à leurs fans, sans pour autant avancer d’un iota.
Les buts poursuivis confinent davantage aux petits égos, aux petits sous et aux petits avantages qu’à une édification du loisir ou des rôlistes.
Je me tiens instinctivement loin de ces mondanités et petits arrangements adolescents parce que je connais leur stérilité. Je me suis aussi vautré là dedans, non sans plaisirs ; mais la dignité commande d’en sortir : le VIP rôliste, ça va un temps mais ensuite ça perd de sa saveur au point d’en devenir vomitif : on aspire à quelque chose de plus grand (?).J’aurai pu aborder ces concepts en parlant de rapport Père/fils, de secourisme ou de politique, mais c’est sur le jdr que j’ai eu envie de commencer, peut-être parce que c’est un loisir et un milieu social que j’observe depuis plus de 25 ans, avec une indéfectible tendresse. Je redoute les sirènes qui chantent à l’oreille des rôlistes depuis une quinzaine d’années par ce que si elles étaient écoutées, elles en dénatureraient radicalement l’essence. Je dois reconnaître que globalement, le jdr garde son cap en dépit des facteurs sociaux, économique et idéologiques ambiants. Pourvu que ça dure.
Mais l’insouciance quasi religieuse des rôlistes (d’où son mantra : « râlez-moins jouez plus« ) et leur fixations hédonistes morbides exposent le loisir en permanence : on lui prend beaucoup mais en lui rendant rarement (alors qu’il serait important de penser et d’établir une structuration de la communauté pour sortir du tribalisme rôliste).
Bref, sans être dégouté, je suis un peu lassé de jouer le « grand frère rabat-joie » qui parle contre le vent et suis donc retourné à ma position d’observateur qu’on sortira peut-être de sa retraite quand un accident arrivera et que personne ne saura gérer (et je prie pour que cela n’arrive jamais).
En attendant je te souhaite une excellente année Faboo ! A toi ainsi qu’à tous les curieux de passage : tous mes vœux d’accomplissement individuel et d’épanouissement dans le collectif (et des PEX !)
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Comme les pratiques et habitudes sont transversales, je me demande si même la manière d’aborder le jeu n’a pas changé.
Notamment avec un comportement de plus en plus répandu, celui de « testeur ».
Avec la multiplication des plateformes d’échanges (légales ou pas), un gamer lambda a beaucoup de choix, l’offre de jeux est énorme. Mais il est conséquemment de plus en plus dur de trouver de bons jeux. Ne serait-ce que parce que le tri prend du temps.
Pour ma part, je remarque passer plus de temps à « tester » ou regarder des tests, qu’à réellement jouer. Il suffit de voir les succès qu’on les let’s play, ces vidéos où des gens jouent à un jeu à votre place, pour affirmer que ce comportement de « testeur » est très partagé.
Or dans le jdr, j’ai l’impression de retrouver ce comportement de « testeur », qui fait les beaux jours des sessions en one shots. Je n’ai pas de chiffres, ni de stats, pour prouver une quelconque modification des comportements. Mais cela ne fait que quelques années que j’entends à répétition des phrases comme « ah j’ai envie de tester ce jdr » « […] ce système », plutôt que tout simplement « jouer ». Et pendant les debrifing d’après parties, c’est principalement le jeu qui est discuté, pas la performance du mj.
A l’époque (années90), si le mj demandait des retours, on lui en faisait sur sa prestation et sur la qualité du scénario. Je ne me souviens absolument pas que le système était remis en cause. On ne testait pas, on jouait.
Effectivement je ne m’étais pas rendu compte de la tendance, mais elle existe indéniablement ; j’en partage le constat autour de moi. Maintenant quelle est l’origine à cette tendance et surtout que révèle-t-elle (si elle révèle qqch pour vous) ?
Perso ça m’évoque encore une fois une forme de réification de l’humain : on saute à pieds joints sur des composantes humaines pour les faire rentrer de force dans des cases machinales, statistiques et « objectives » (les règles, les scénarii officiels, les chiffres de vente comme baromètre de santé du jdr etc.).
On « teste » un jeu comme on testerait la capacité d’un service de table à rendre un repas inoubliable, quid des partenaires ? Est-ce que la qualité profonde et les apports de notre loisir résident dans le talent des concepteurs de jeu ? Si non, pourquoi agir comme si c’était le cas ?
Le jdr se retrouve de manière surprenante un marqueur dans l’opposition contemporaine entre l’importance de l’être contre l’importance de l’avoir.
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Sur ta dernière phrase, je dirais même que c’est d’autant plus flagrant que le jdr ne représente rien commercialement et que c’était par définition le medium qui échappait à toute forme d’emprise de la marchandise.
Sur le constat de réification, bravo pour la justesse du terme. J’irais jusqu’à dire que finalement les thèmatiques des jdrs sont axés sur l’avoir et le mensonge depuis toujours et que la réification des jdrs est un peu le dernier clou planté dans le cercueil.Un petit exemple : dans GameOfThrones on retrouve l’inquisition à la Torquemada, l’ostracisation, la tolérance de l’inceste, de la prostitution, l’usure et ses corrolaires, l’euthanasie, la torture, la guerre sans l’aimer, du pain du vin et des jeux, le racisme, l’ostracisation, les sacrifices humains, l’intolérance envers l’homosexualité. Eléments dont on ne peut pas dire qu’ils n’ont pas existé à toute époque, mais surtout JAMAIS autant qu’aujourd’hui. Un historien médiéval le sait, le monde médiéval est loin d’avoir été aussi sinistre qu’on veut nous le faire croire, le rôliste lambda non (que je suis d’ailleurs).
Tout cela pour montrer que par ses thématiques mensongères ou propagandistes, le jdr était déjà mal barré. Medium aux potentialités énormes mais empêtré des ses débuts dans l’esprit de notre époque : l’arrogance de l’ignorance, symptôme du zeitgeist.
Comme quoi jouer ça n’est pas anodin, comme le reste. Est-ce qu’on joue à l’avoir ou à l’être ?
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Pour la question « Un système de jeu peut-il améliorer le plaisir d`interpréter des personnages ? » Je répondrait oui. En effet, j’ai pu constater que certains de mes joueurs qui étaient plus en « télécommande » venaient à plus d’interprétation avec un système « ultra-rigide » : Le système d’Apocalyps World.
Peut-être que le fait que chaque résultat de chaque action soit décrite dans le système, et non par l’interprétation du MJ ou des joueurs, leur donne des appuis plus claires et donc les « libèrent » des interrogation du type « est-ce que faire ça correspond à l’archétype de mon personnage ».
A noter qu’en tant que MJ, je me suis d’abord senti mal à l’aise avec ces règles qui disent « si il fait 7 il se passe ça, si il fait 11 il se passe ça ». Mais à l’usage, c’est plutôt libérateur.
Merci pour ta contribution, c’est une observation intéressante. Je n’avais pas capté ça à la lecture de SW.
Par curiosité, lorsque tu parles de « libérateur », tu penses à qui ? (libérateur pour le MJ ou bien pour les Joueurs ?)
Dans un cas comme dans l’autre, je ne suis pas sûr qu’on puisse parler de « plaisir d’interpréter un personnage » dans ce cas.
Tout simplement parce qu’il n’y a pas réellement d’interprétation lorsque c’est le système qui décide. C’est plutôt de la description généré par le système, et ces descriptions du système ne sont pas des actes libres de tes joueurs.
Attention, je ne nie pas que ce mécanisme de SW génère du plaisir, mais ce que je soutiens, c’est que ce plaisir n’est pas une résultante de l’interprétation.
Pour bien comprendre, on peut rapprocher ce mécanisme en jdr (le système qui génère des descriptions impliquant les personnages) des Cinématiques de jeu vidéo. Des situations prévues par les concepteurs du jeu et qui retirent momentanément au joueur ses possibilités d’interprétations (les joueurs ne choisissent pas librement le déroulement ni l’issue de la cinématique). C’est sympa de mater des cinématiques, mais le plaisir qu’on éprouve à ce moment là ne vient pas de notre interprétation du personnage.
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