L’art de baisser son froc

L’actualité me donne une nouvelle occasion de m’attaquer (avec mesquinerie je l’avoue) au féminisme en JDR 😀 Enfin, il ne s’agit pas vraiment de féminisme, mais plutôt de dilemme moral, ce qui est ironique quand cela concerne celui qui a théorisé le jeu moral… Merci aux indignés professionnels de Twitter d’avoir fait remonter cette information à mes oreilles. Plutôt que d’une analyse rationnelle, je me contenterai ici d’une petite mise en scène satyrique.

Rappel des faits

L’alerte est lancée sur Twitter : indignation des grands défenseurs des libertés, du respect de l’autre, de la bienveillance et de la tolérance. Le camp du bien est en ébullition :

Quelle honte ! La contre-attaque se met en branle. Les intellectuels ripostent par une argumentation imparable : JDRMag est « arriéré du ciboulot », et ourdit un sombre projet : écarter la femme du devant de la scène, la remettre derrière les fourneaux, pendant que l’homme fait du JDR avec ses potes :

C’est clair !

Rebondissement !

Dans la foulée, Thomas Munier publie un communiqué (d’une neutralité helvétique). Il fallait en effet clarifier une chose : les néo-nazis de JDRMag avaient-il machoïsé le texte original sans lui demander son autorisation ?

Version courte : NON !  😀

En coulisses

Voici la retranscription de la conversation téléphonique entre Thomas Munier et les nazis (interceptée par les services russes) :

– Oui bonjour Mr. Munier, c’est à propos de votre article…
– Oui, il y a un problème ?
– Non, c’est juste qu’on a une ligne éditoriale assez stricte et que donc euh… « joueuses » ça va pas être possible.
– Mais… mais j’emploie le terme « joueuse » à dessein, cela reflète mes convictions profondes, ce sont des valeurs que je défends avec force !
– Oui mais là ce qui nous intéresse ce sont plutôt les idées de votre article, pas vos opinions politiques. Et comme je l’ai dit, nous avons une ligne éditoriale. Écrire « joueur » n’est pas sexiste, c’est juste le respect de la grammaire. Sans compter que ça dérange certains de nos lecteurs.
– Mais je m’en f… pardon, je veux dire… ça serait renier mes convictions, je… je ne peux pas faire ça ! Plutôt mourir !
– Bon bah tant pis, on annule. Désolé !
– Nooon ! Attendez !
– Quoi ?
– On peut peut-être s’arranger…
– De quelle façon ?
– On pourrait remplacer « joueuse » par « joueu.r.s.e » ?
– Ah non, ça va pas être possible non plus Mr. Munier… À la limite on pourrait mettre une petite note en bas de page histoire de… enfin histoire qu’on voit bien que vous êtes quelqu’un qui a des valeurs.
– Bon alors d’accord !

Conclusion

Mais que s’est-il donc passé ? Les grands idéaux se seraient-ils heurtés au principe de réalité ? Thomas Munier, auteur de génie, est-il un collabo ? A-t-il baissé son froc ou retourné sa veste ? Je n’ai pas la réponse, mais l’heure est grave. J’attends anxieusement le prochain communiqué dans lequel Thomas nous annoncera qu’il renonce, par conviction, à la publication des articles suivants. Maintenant qu’il connaît la ligne éditoriale de ces putains de fachos, je suis sûr qu’il publiera les articles sur son blog, accessibles ainsi gratuitement par tous et non censurés, au lieu de continuer à alimenter ce torchon sexiste !

Parce qu’écrire « joueuse »,
à la place de « joueur »,
c’est fondamental.

[musique épique]

Pour aller plus loin

10 commentaires à propos de “L’art de baisser son froc

  1. Juste…bravo pour cet article.
    Comme toi, j’ai cette impression qu’on a souvent tendance à se tromper de combat quand on poursuit une idée, aussi belle soit-elle.
    Promouvoir le jdr auprès de la gent féminine : oui, bien sûr, cela apporte une belle diversité en termes de sensibilité de raisonnement…
    Mais, pour y arriver, il faudrait absolument écrire au féminin… euh, c’est quoi le rapport ??? Et bien entendu, comme on aime le style péremptoire en France, et bien que celui qui refuse cette idée révolutionnaire soit pointé du doigt et humilié !! Ridicule…
    Bref… voilà quoi.
    À mon petit niveau, j’ai initié mon épouse au jdr, qui joue maintenant régulièrement et avec beaucoup de plaisir. Mais je suis certainement un salopard de première car j’écris « joueur », pas « joueuse »…

  2. Merci 🙂

    Ça fait plaisir de voir qu’il y a au moins une autre personne sur terre qui pense comme moi que tout ceci est ridicule, comme tu dis !
    Par contre, je crois moyennement à la « belle idée », je pense plutôt que c’est un moyen de se flatter l’égo…

  3. Il y a peut-être une autre hypothèse que ton procès d’intention insultant, et ton dialogue imaginaire trollesque, ne pointe pas : Thomas Munier n’oblige personne à écrire comme lui. Il indique (c’est moi qui souligne) « SI la ligne éditoriale [ne vous plaît pas] je vous INVITE [à écrire « joueuse » de votre côté] ». Il propose. Il n’oblige pas – et il serait accusé de fasciste s’il voulait obliger tout le monde à faire. Il n’oblige que lui-même.

    Par contre je m’interroge sur l’attitude de JdR Mag. Oui, il y a la ligne éditoriale. Il faut qu’il y en ait une, sinon les termes changent d’un article à l’autre, et le magazine devient illisible. Mais qu’est-ce que ça leur aurait coûté de publier, une fois, exceptionnellement, un article sur les centaines qu’ils ont publié depuis le début, où il y a écrit « joueuse »? JdRMag ne peut être accusé de « féminazisme » s’ils ne le font qu’une fois… à la rigueur ils seraient accusés de faire une concession à un auteur – ce qui est bien, et encourage d’autres auteurs à venir leur proposer leurs textes.
    (et oui, on ne sait pas si TM a proposé de passer le texte en écriture inclusive. Tu devrais lui demander. Tu devrais lui filer le lien vers ton post d’ailleurs, c’est courtois quand on parle de quelqu’un dans son dos)

    Sinon, sur les ministres suédoises qui mettent un foulard sur leur tête en Iran :
    – la Suède est très tolérante en manière de religions. Elles autorisent les femmes voilées en Suède, mais refuseraient de mettre un foulard en Iran?
    – ça s’appelle la diplomatie : « en Grèce, fais comme les Grecs », et la Suède est un petit pays connu pour sa neutralité, qui ne peut pas se permettre d’insulter les coutumes du pays hôte.
    – le hidjab est supposé cacher tous les cheveux. Elles le portent sur le haut de la tête, dévoilant la moitié de leurs cheveux, ce qui est interprèté là-bas comme « je suis une rebelle qui me plie à moitié aux convenances par politesse, parce que j’y crois pas en fait » (cf. femmes à Téhéran vs femmes en province) – remarque qu’elles n’ont pas mis non plus la robe noire…
    C’est donc un compromis entre convictions personnelles et convictions d’autrui. Elles ne forcent pas les Iraniennes à enlever leur voile. T. Munier respecte la ligne éditoriale d’autrui et ne leur cherche pas noise… c’est mieux si on veut faire passer ses idées.

    • Salut, et merci de ton retour critique 🙂

      À aucun moment je ne dis dans cet article que TM oblige les autres à écrire en inclusif.

      Tu t’interroges sur l’attitude de JdR Mag. Mais pourquoi publieraient-ils un texte en français incorrect ? Je ne vois aucune raison à cela.

      Tu dis qu’on ne sait pas si TM a proposé de passer le texte en écriture inclusive. Si on sait, regarde le post FB que j’ai repris. Il indique qu’il a présenté à la rédaction un texte où il désigne les rôlistes sous le terme de « joueuses ».

      Pour les ministres suédoises je suis d’accord avec toi. D’ailleurs, une réception à l’ambassade de Suède a été organisée ensuite, à laquelle elles ne portaient pas de voile. La différence avec TM c’est que les ministres elles, n’ont pas le choix : les rencontres diplomatiques font partie de leurs obligations. TM lui a le choix, enfin il me semble. Il n’est pas obligé de publier chez JdR Mag.

      Quant à informer TM de mon article, je ne vois pas pourquoi. Ce n’est pas dans son dos, c’est public. J’ai écrit d’autres articles sur d’autres personnes, et je ne vais pas à chaque fois leur courir après pour qu’elles viennent lire ce que j’ai écrit sur elles. Imagine que j’écrive un article sur Macron : est-ce que je dois envoyer un courriel à l’Élysée pour l’informer ? Et d’ailleurs, qui te dit que je ne lui ai pas filé le lien ? Serais-tu TM ? 😀

      • 3 remarques :
        – 1. tu ne dis pas que TM oblige à tout le monde à écrire en inclusif; l’autoritarisme que tu attribues à TM est pourtant à la base de ton syllogisme :
        (a) TM est un intégriste du remplacement de « joueur » par « joueuse »
        (b) JdRMag lui a dit « non », et il a dit « OK » au lieu de « allez vous faire voir »
        donc (c) TM est une poule mouillée, qui trahit ses idéaux pour se faire publier.
        Donc, qu’il veuille obliger ou pas, tu te bases quand même sur l’idée (a) qu’il est un promoteur déterminé et incorruptible du remplacement par « joueuse ». Parce que si par hasard son attitude est plutôt « chacun écrit comme il veut », ton (c) est intenable.

        Après, il existe des gens un peu plus extrêmes que TM, qui ne doivent pas être confondus avec lui, et qui se permettent de dire ce qu’il aurait dû faire (refuser). Mais laissez-le tranquille à la fin! 😉

        2) « il désigne les rôlistes sous le terme de « joueuses » ».
        Ce n’est pas de l’écriture inclusive dans ma définition. L’EI c’est le féminin ET le masculin, pas l’un ou l’autre. C’est remplacer « joueuse » par « joueu.r.s.e » ou « joueur.euse » ou « joueur et joueuse », « celles et ceux »

        3) « Mais pourquoi publieraient-ils un texte en français incorrect ? »
        La définition du « français correct » varie d’une personne à une autre… Il n’y a pas de loi qui oblige qui que ce soit (à part le Journal Officiel) à écrire d’une façon ou d’une autre. Même l’Académie Française ne fait que des recommandations. Par exemple, utilises-tu « roleplay » dans tes écrits? Est-ce du français « correct »? C’est dans le dictionnaire de l’Académie Française? Comme « pitonner », les termes que personne n’utilise ? Tu t’en fous c’est ton blog ? Tu ne veux pas de grammar nazis qui viennent te dire d’écrire comme ci ou comme ça? Tu as bien raison. 🙂

        Si JdRMag ou toi vouliez publier un article en argot ou en langage SMS, vous le pourriez.
        Donc, pour répondre à ta question : JdRMag pourrait publier un texte avec « joueuse » à la place de « joueur » parce qu’il pourrait être un peu ouvert sur l’écriture inclusive, parce qu’il voudrait respecter le style de l’auteur, pour faire une exception à la ligne éditoriale, pour remettre en question la ligne éditoriale, et enfin parce qu’il n’existe pas de « français incorrect »

        Enfin, quand on donne des leçons, on accepte d’en recevoir. Si tu ne vois pas où est la courtoisie de signaler à quelqu’un qu’on parle de lui, je n’insiste pas 🙂

        • Passons sur la définition du francais correct…

          Voilà comment MOI je ressens les choses :

          Même sans être un « intégriste » du masculin neutre, je pense que si on m’imposait de passer un de mes articles en écriture inclusive pour pouvoir le publier, je refuserais. Et ceci pour la simple raison que 1) j’aurais l’impression qu’on ne respecte pas mes opinions et 2) qu’on dévoie ma façon de penser et de m’exprimer. Et donc, en acceptant de me plier à cette contrainte, j’aurais l’impression de comment dire… de baisser mon froc, oui !

          Mais ce n’est que mon point de vue, peut-être suis-je gonflé d’orgueil 🙂

  4. Hello Faboo, je passais par là et j’ai vu de la lumière… Alors je suis rentré.
    Ton article m’a bien fait rire, oh pas aux dépends de Thomas dont – comme toi – je respecte le travail. Mais par ta « Rien à carrer » attitude. As-tu été courageux, téméraire, naïf, tête de cochon ou… Fasciste (!!!?) Je n’en sais rien mais merci pour ce moment pop-corn de choix !
    Oui j’écris « téméraire » car j’en discute de temps en temps et depuis des années avec un ami avec qui nous sommes d’accord sur le constat : cette 4è vague de féminisme a été envoyée par Khorne (ndr : le dieu du Chaos). Ils arrivent comme les nuées de criquets et ils ont faims.
    Perso, je n’ai pas de ressentiment pour ces féministes 4.0, juste une certaine tristesse pour les éléments les plus virulents et/ou les plus suiveurs et un intérêt curieux de celui qui observe une boîte de pétri au microscope de temps en temps. Je sais pourtant que tôt ou tard je me les prendrais en pleine face pour ce que je suis : un vieux con. Mais le vieux con a un plan.

    J’invite d’ailleurs tous mes homologues qui tiennent à préserver la tradition vieuconnienne à nous imiter en faisant ce que nous savons faire mieux que personne : demeurer.

    Oui, car demeurer c’est « S’arrêter en un endroit et n’en pas bouger » (Selon le Dictionnaire de l’Académie Française, référence essentielle de Vieux Con).

    Pas besoin de lutter, d’attaquer, de réagir ou de critiquer les féministes 4.0, c’est inutile : juste rester là et incarner ses convictions sereinement, comme ces Vieux Cons qui regardaient les sauveteurs de Tchernobyl s’agiter comme des idiots dans le chemin devant leur potager en avril 1986 : rien à foutre de vos radiations, j’ai des carottes à planter et une pétoire dans la cuisine si quelqu’un veut me forcer à évacuer la maison de ma grand mère. Le VC sait qu’il n’est pas éternel et que les radiations, tout comme les féministes virulents devront faire la queue comme tout le monde pour avoir sa peau, juste derrière la cirrhose et la phlébite.

    Demeurer comme un rocher obstiné sur la plage, comme une putain de borne kilométrique au bord de la route : la pluie tombe, les renards lui pissent dessus, les jeunes cons à GPS se moquent d’elle, mais elle s’en fout la borne car elle sait au fond de son coeur de béton qu’elle a une putain de raison d’être et que si un jour on a besoin d’elle alors on pourra compter dessus.

    La borne n’en a rien à carrer du GPS et de la dynamic-geolocalisation. Oh pas par bêtise crasse ou égo, mais parce qu’elle sait à quoi tient la résilience du système GPS. Elle connait la résilience d’une connasse de tablette babylonienne en argile par rapport à un frimeur de disque dur SSD M.2 pour conserver des informations integres, et ça la fait marrer le SSD. Elle consolera les débris de SSD répandus sur la route bien avant que lucien le Vieux Con d’employé communal vienne lui refiler sa couche de peinture décennale.

    Le Vieux Con sait ce qu’il pense et pourquoi il le pense, il observe et réfléchis car il en a le temps pendant que les agités de l’époque, eux jacassent, jappent, jabotent, geignent, giflent et jugent en tous sens selon le sens de la brise. Le Vieux Con sait que le temps et le réel feront l’ouvrage sans qu’il ait besoin de faire autre chose que de demeurer.

    Bien sûr quand les agités s’éloignent, il reprend ses activités sereinement, il sait faire autre chose que de demeurer. Ca c’est juste en cas de Gros Temps.
    Quand il y a un rayon de soleil, tout comme un Vieux Con il retrouve ses amis et ses homologues, ses enfants et ses carottes, son église et ses vieux livres de con en toute quiétude. Il priera pour que l’époque ne souffre pas trop de sa folie et aussi un peu pour l’avenir de ses gosses de Vieux Con et il éteindra la lumière après avoir lu 20 pages de son livre de jdr pas narrativiste. Il dormira bien.

    • Salut,

      je suis tenté d’être d’accord avec le vieux con que tu décris, prendre du recul et vivre ma vie loin de ces agités 2.0. Le problème c’est que je ne suis pas encore assez vieux (con). Ces foutues théories ne sont pas juste « un effet de mode », elles s’enracinent concrètement dans nos vies à différents niveaux. Car ces microbes que tu observes dans leur boîte de Pétri sont l’avant-garde qui prépare les esprits pour un mouvement de fond (voir ici). Et je pense qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible comme tu le suggères.

      Dans mon travail par exemple (recherche), pour 2 propositions de projets de qualité égale, on choisira le projet présenté par une femme (c’est une règle écrite), pour favoriser la mixité dans les sciences dures. Il y a de plus en plus de quotas de ce type. Je suis contre ! Voir aussi à ce sujet la récente polémique autour du physicien « Alessandro Strumia ».

      Là où je te rejoins, c’est que ça ne sert à rien de sur-réagir à toutes les micro-occasions, d’être en permanence dans le conflit et l’agressivité, pour au final ne pas faire avancer le schmilblick. Mais un petit article ou une boule puante de temps en temps, ça soulage mon inconscient 🙂 et ça peut en aider certains qui n’osent pas critiquer cette pensée de peur d’être ostracisés. Et puis là franchement, l’occasion était trop belle !

  5. Sans s’en rendre compte, la snowflake generation passe d’une société paternaliste à un fascisme de la « propreté de surface » où les idées importent peu tant qu’elles sont marquées comme inclusives.
    Bref, le triomphe de la forme sur le fond.
    C’est bien triste. Mais je suis content de voir que tout le monde n’a pas succombé à cette mode.

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