Des combats plus fluides

Les scènes de combat sont, pour moi en tout cas, particulièrement difficiles à gérer. La quantité d’information à gérer simultanément est énorme, et du coup mon pauvre cerveau n’a plus les ressources nécessaires pour :

  • inventer des stratégies intéressantes pour mes PNJ
  • dire autre chose que : « il te tire dessus », « tu es touché à l’épaule »
  • dire autre chose que : « tu te perds 5 PV », « tu évites son poing »
  • maintenir une certaine crédibilité à l’ensemble de la scène

Bref, c’est moche, c’est pas crédible, et c’est lent, donc l’immersion est détruite (sauf peut-être pour le joueur tactique qui y prend un certain plaisir). Ça ressemble à ça, mais en plus lent :

Moi ce que je voudrais, c’est jouer des combats de ouf, un peu comme nous le suggèrent :

Le cerveau surchargé, ça me fait penser à mon métier, où je passe mon temps à bidouiller des algorithmes pour qu’ils tournent le plus rapidement possible. Tiens, et si le processeur était mon cerveau, et que l’algorithme était les règles de combat. Comment optimiser cet algorithme ? Bah on pourrait :

  • faire du multi-threading
  • utiliser un algorithme incomplet (moins précis mais plus rapide)

Transposé au JDR, ça donnerait :

  • utiliser les cerveaux des joueurs
  • simplifier les règles

Pour utiliser les cerveaux des joueurs, il faut qu’ils connaissent les règles de base (comment utiliser son arme, déplacement, esquive, etc.). Ensuite, les joueurs pourront décrire eux-mêmes leurs manœuvres de combats, et de quelle façon ils blessent les adversaires, sans m’interrompre à chaque action sur des points de règle. Ca ne mange pas de pain, mais c’est toujours ça en moins à gérer par le MJ, qui peut du coup allouer ce « temps de cerveau disponible » à d’autres tâches.

Au niveau des règles, je trouve les règles de l’AdC (remplacez par votre jeu favori) plutôt simples. La seule simplification que j’y apporte c’est de ne faire qu’une seule phase d’action par round au lieu de deux. Une petite perte en termes de stratégie, mais une diminution de la charge cognitive, donc un gain en fluidité, donc en immersion. Pour les mêmes raisons, j’ai de plus en plus tendance à oublier les règles d’initiative, et à la donner à ceux qui parlent en premier, tout en limitant le temps de réflexion des joueurs : si rien n’est décidé en 5 secondes, ton tour est perdu ! En plus d’accélérer le combat, je pense que cette pression temporelle renforce l’immersion, y compris pour les joueurs dont ce n’est pas le tour, qui du coup suivent le combat attentivement de façon à être prêts quand leur tour viendra.

Il y a bien sûr des cas où il faut être rigoureux et appliquer les règles à la lettre, par exemple un duel à mort entre un PJ et un PNJ important. Dans beaucoup de cas cependant, j’ai remarqué que les joueurs acceptent les entorses aux règles, du moment que c’est juste, cohérent, qu’ils s’amusent et que leur perso ne meurt pas ! Mais ceci est mon avis personnel, tiré de ma petite expérience du JDR. Je vous recommande donc cet article, dont l’auteur connaît mieux les systèmes de combats que moi !

Bon d’accord, pas folichon ma comparaison cerveau-ordinateur. Mais quand-même, j’insiste pour dire que beaucoup de MJ tombent dans le travers de sacrifier l’immersion au profit de l’application rigoureuse des règles. Et je vais illustrer tout ceci par deux exemples concrets. Enfin, je vous donnerai l’algorithme asynchrone utilisé dans le deuxième exemple, que je trouve assez excellent.

Mais d’abord, écoutons les exemples de combat en question.

  • Un premier exemple de combat, tiré du podcast Par-delà les montagnes hallucinées. Écoutez à partir de 45′ (vous pouvez arrêter à 50′).

Les règles sont énoncées explicitement (« on entame le round suivant », « faut qu’je fasse moins de 36 »), tout le monde se marre alors qu’ils se font marave par des Choses très anciennes. Mais bon chacun son style, on peut se marrer pendant les combats cthuliens, ce n’est pas le sujet traité ici : le problème est que c’est foutrement LENT ! Personnellement, ce style de combat me fait grave chier ! Les joueurs se marrent bien, mais l’immersion est selon moi au niveau zéro.

  • Ensuite un deuxième exemple de combat, tiré de la série Donjons & Jambons s03e04. C’est carrément autre chose : écoutez à partir de de 1:20’00 » jusqu’à 1:26’30 » :

Bon c’est vrai que les règles sont peut-être un peu moins « précises » que dans le premier exemple (quoi que…), mais… on s’en fout ! Puisqu’on y gagne mille fois en immersion, y’a pas photo 🙂 . Et puis, comme je disais plus haut, du moment que ça reste juste et cohérent, les joueurs de s’en plaindront pas. En analysant un peu, mis à part qu’il est très bon, on remarque que le MJ utilise la technique suivante :

  1. il demande au joueur ce qu’il fait
  2. le joueur dit ce qu’il fait
  3. il lui annonce quel jet de dé faire et passe au joueur suivant sans attendre le résultat
  4. GOTO 1.

Pendant qu’il passe d’un joueur à l’autre, les résultats des jets de dés arrivent de manière asynchrone, et sont pris en compte à la volée.

Il y a plusieurs gros avantages à cette technique :

  • Il y a un « effet de style » , qui donne une impression d’actions simultanées.
  • Le joueur se dépêche de faire son jet car il veut voir son action réalisée dès que possible.
  • La rapidité provoque du stress et de la fluidité, ce qui renforce l’immersion.
  • Les jets de dés passent au second plan : les autres joueurs sont focalisés sur l’action, pas sur les dés.
    (et remarquez que les joueurs ne se font pas la traditionnelle séquence de premier soins réciproques à la fin de la scène 🙂 )

Une technique que je vais expérimenter prochainement je pense…

Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous aussi des p’tites techniques à partager ?

13 commentaires à propos de “Des combats plus fluides

  1. Oui, mais pas que.
    Je te rejoins sur ces bonnes idées et je ne suis pas le genre à pourrir mon rythme avec des règles lourdingues. Ceci étant, maîtrisant un nouveau jeu (Esteren) je me suis fait prendre à mon propre piège en essayant de dynamiser le combat jusqu’à me perdre moi-même dans les éclats de voix de mes 6 joueurs (!) et carrément me paumer dans ce qui était en train de se passer. Surtout dans le cas d’un jeu à initiative répétée à chaque tour.

    Ceci dit, je verse au pot commun la technique suivante.
    Dans Cthulhu comme COPS, comme Esteren, c’est à dire les jeux violents où le combat peut souvent se résumer à quelques échanges de tir (surprise !) ou passe-d’armes propres à quasi-tuer en un coup, je fais carrément l’impasse sur le tour de combat. Lorsqu’il n’y a pas d’aspect tactique mais qu’on est dans un échange de tir à la Tarantino ou un duel à la Game of Thrones, je demande juste un jet d’attaque aux personnes concernées, on résout les actions, et point barre. Celui qui est blessé, ces jeux impliquant d’énormes dégâts, est « hors combat ». Pas mort, pas assommé, mais blessé et incapacité jusqu’à nouvel ordre, sonné par le choc. (Éventuellement, un jet de Combativité ou la dépense d’un point de Survie peut aider à se relever.)
    C’est à la fois plus rapide et plus logique que de faire se battre absolument tout le monde jusqu’à la mort. C’est une technique à la Dirty MJ qui considère que celui qui gagne est le premier à toucher, si les dégâts sont significatifs au moins (on n’est pas hors-jeu pour une estafilade).

    Merci pour ces riches conseils.

    • Merci de ton commentaire 🙂

      Oui c’est vrai qu’avec 6 joueurs ça se complique. Les neurosciences nous apprennent d’ailleurs qu’en moyenne notre mémoire de travail peut gérer au plus entre 4 et 7 objets simultanément. Donc effectivement à 6 on approche des limites. Peut-être faudrait-il d’abord gérer les 3-4 joueurs les plus rapides et résoudre, puis ensuite s’occuper du reste…?

      Sinon pour la technique que tu donnes, effectivement c’est plus rapide, et ça évite qu’une bagarre secondaire, genre dans un bar avec des mecs bourrés, dégénère mécaniquement jusqu’au massacre total, ce qui n’est pas vraiment réaliste.

      Par contre avec des protagonistes « vraiment méchants », il me semble qu’on en arrive à une situation où tout le monde est « hors combat », rampant dans son sang et impuissant, tandis que celui qui est resté debout peut tranquillement achever tous les autres non ? (remarque, c’est peut-être réaliste ! 🙂 )

      • Dans Esteren en particulier, les dégâts des armes sont très limités mais la façon de s’en servir détermine l’énorme majorité des dégâts. Du coup un boss de combat peut mettre hors d’état de nuire n’importe quelle petite frappe (ce qui n’est pas le cas dans Cthulhu si la petite frappe à un flingue). C’est logique.
        Je ne veux pas forcément mettre hors d’état définitivement, mais au moins empêcher la riposte immédiate de celui qui vient de se manger un coup de claymore en plein buste.

        J’y vois plusieurs avantages immersifs :
        – Ça donne le temps de réfléchir et ça permet de se retirer en fuyant si l’on est blessé (du moins, si l’adversaire est occupé avec d’autres)
        – Ça permet de faire des cascades
        – Ça permet de faire des prisonniers et de supplier d’épargner
        – Ça donne un possible dilemme à qui achève tout le monde : psychologiquement, achever les prisonniers à la dague c’est quelque-chose… Perte de santé mentale ou mise à l’épreuve psychologique à prévoir (culpabilité).

  2. Merci pour tous ces conseils très instructifs et pour ces liens que je ne connaisais pas.
    Je vais mettre en oeuvre quelques uns de ces « trucs » sans plus attendre dans mes combats, notamment avec un effort sur le rythme (j’ai un petit sablier notamment pour mettre mes PJs sous pression), ce qui me paraît l’élément fondamental d’un bon combat.
    La méthode de Pi est intéressante également, en n’attendant pas le jet de dé et en passant directement au suivant (même si j’avoue que je ne suis pas fan de sa manière de maîtriser, mais bon, les goûts les couleurs…).
    Cordialement,

  3. Salut 🙂
    Il me semble que le système de jeu d’Emysfer (et donc sa manière de gérer les combats) répond directement à ton cahier des charges 😉
    Ca se résout en passe d’arme (donc pas d’initiative, pas de « j »attaque, je défend »…)
    Avant l’action on ne donne qu’une intention vague et seul celui qui remporte le duel de jets de dés raconte ce qu’il fait (achat de Narrations avec la marge)

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